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ZARDOZ
28 février 2008

La chasse, la corrida et le plaisir

Si l'abattage d'animaux pour leur viande correspond à une façon assez ancienne de se nourrir, ce fut malgré tout une notable progression dans la sécurité alimentaire de l'espèce humaine. La chasse ne devenait pas pour autant inutile mais commençait sa relégation à un rang secondaire avant que de devenir un loisir..

La corrida, les combats de chien, de coq et autres animaux, anticipaient cependant largement ce plaisir ludique qu'il y a chez l'homme à tuer, à ôter la vie, et ainsi à exercer ce pouvoir dont il est effrayé lorsque d'autres en use. A commencer par son  ou ses dieux dans l'exercice de la mort naturelle, voire de toute mort si celle-ci doit être vu comme l'expression d'une volonté, quelque soit l'outil que la divinité emploie. Mais ce peut être également l'autre, animal ou humain, pour l'athée ou l'agnostique.

Ôter la vie lors d'un rituel, que ce soit la chasse ou le combat, fut-il provoqué entre deux animaux, permet de ne pas sentir de culpabilité dans cet acte aberrant pour le cerveau humain. Ce cerveau pour lequel la mort, toute mort est source d'une angoisse plus ou moins bien maitrisée par l'éducation. Il est alors important d'ôter avec la vie, la culpabilité de l'acte, car le meurtre ritualisé est un acte social, réalisé par un groupe qui étale et dissout ainsi la culpabilité, la peur de la vengeance, la peur d'être saisie par la mort qui pourrait bien ne pas se contenter d'une seule victime, d'une seule immolation, et risquerait de tarder un peu à repartir vers les ténèbres et de ce fait d'emporter probablement quelqu'un d'autre au passage..

Le criminel, individuel est ainsi éminemment courageux ou fou, d'affronter seul la projection des ombres de son cortex inquiet.

Le chasseur, le passionné de Corrida, est toujours un quidam bien intégré dans sa société, plutôt intéressé à conserver les traditions, celles-ci comme d'autres, souvent un bon vivant puisque rassuré par la culture qui l'environne et sur laquelle il s'interroge très peu, le plus souvent pas du tout. Pour elle ou lui, rien ou presque (sauf les outils matériels de son confort) ne devraient jamais changer. On peut parler de lâcheté bourgeoise, de cette peur permanente que le monde ne soit pas stable, non par la relation de l'individu à celui-ci mais par un environnement culturel bien établi, solide, sans aspérités. Le chasseur, le passionné de Corrida ne créé pas il reproduit, ajoutant sa touche personnelle, l'assurance que son identité prenne sa place dans ce qui ne bouge pas. Il ne lui faut surtout pas de cette intelligence qui permet de comprendre le monde dans ses relations complexes, ce qui porterait à vouloir modifier certains comportements, mais il lui faut de la métis, de la ruse pour trouver comment résoudre un problème pratique, pour tuer plutôt que d'être tuer, lui qui n'attache d'importance qu'à son existence propre, et veut pour cela seul que le monde se fige avant sa puberté.

La beauté de la nature, la promenade ? Est-il besoin d'un fusil ? D'un objectif autre que de respirer et/ou de voir ?

La régulation des espèces ? Il est bien plus souhaitable de payer des fonctionnaires municipaux dont beaucoup font déjà ce travail.. Et les espèces ne sont-elles pas régulées avant l'apparition de l'homme ?

Enfin en quoi l'espèce humaine serait-elle meilleure parce que plus nombreuse ? Et sa place doit-elle se faire au dépend de la plupart des autres espèces vivantes ? Où serait la limite d'une telle conception du monde, d'un monde fini, de ressources finies, d'espèces finies.. ?

La mise à mort rituel de la chasse et des différentes pratiques culturelles du combat contre la nature relève avant tout du meurtre de la créativité humaine, de la mise à mort de son émancipation des structures morales de la communauté traditionnelle. L'urbain qui chasse le week end, n'est autre que le passéiste, féru de tradition, de religion parfois ou, pire, d'un passé imaginaire romantique et idéalisé d'une masculinité perdue... (ou à conquérir pour certaines femmes 'modernes').

 

Dans tous les cas il s'agit de la mise à mort du courage réel, vivant, à accepter l'évolution créatrice de l'espèce, de l'histoire qui ne fait pas marche arrière et qui lorsqu'elle accumule trop de vieillerie devient petite, rabougrie, usée, sans avenir, immobile au milieu de son salon, devenu un musée. Le chasseur, le passionné de Corrida tue bien moins un animal que sa propre humanité, tant redoutée par son sentiment infantile d'impuissance personnelle à maitriser sa nature...

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